CHAPITRE 27

 

 

J’étais encore dans un véritable état de choc quand nous entrâmes dans le grand hall dallé de marbre. Je vis comme à travers une brume l’ameublement somptueux, les immenses vases de fleurs et les touristes élégamment vêtus qui passaient. Avec patience, le grand gaillard aux cheveux bruns qui était mon ancien moi me guida jusqu’à l’ascenseur et nous montâmes dans un chuintement assourdi jusqu’à un étage élevé.

J’étais incapable de détacher de lui mon regard, et pourtant mon cœur battait encore après ce qui venait de se passer. Je sentais toujours dans ma bouche le sang de ce corps blessé !

La suite dans laquelle nous pénétrâmes était spacieuse, peinte dans des tons pastels et elle s’ouvrait sur la nuit par une grande paroi de baie vitrée d’où l’on découvrait les nombreuses tours éclairées le long des rives de la sombre et sereine baie de Biscayne.

« Vous comprenez bien ce que j’ai essayé de vous dire, dis-je, heureux de me retrouver enfin seul avec lui et le dévisageant tandis qu’il s’installait en face de moi auprès de la petite table ronde. Je l’ai blessé, David, je l’ai blessé dans ma rage. Je… Je l’ai jeté contre le mur.

— Vous et votre fichu caractère, Lestat », dit-il, mais là encore c’était la voix qu’on utilise pour calmer un enfant.

Un grand sourire chaleureux éclairait le visage au modelé magnifique, avec son ossature nette et gracieuse et sa grande bouche paisible – le sourire bien reconnaissable de David.

J’étais incapable de réagir. Lentement, je baissai les yeux du visage rayonnant jusqu’aux épaules puissantes et droites, carrées contre le fond du fauteuil, puis contre ce corps tout entier détendu.

« Il m’a fait croire qu’il était vous, dis-je en essayant de faire le point. Il a fait semblant d’être vous. Oh ! mon Dieu, j’ai déversé sur lui toute ma peine, David. Il était assis là à m’écouter, à boire mes paroles. Et puis il m’a demandé le Don ténébreux. Il m’a dit qu’il avait changé d’avis. Il m’a entraîné jusqu’à l’appartement pour que je le fasse, David ! C’était horrible. C’était tout ce que je voulais depuis longtemps, et pourtant je savais que quelque chose n’allait pas ! Il avait en lui quelque chose de tellement sinistre. Il y avait des indices, et je ne les ai pas vus ! Quel idiot j’ai été.

— Corps et âme », dit le jeune homme tranquille et à la peau lisse assis en face de moi. Il ôta sa veste de toile à rayures, la jeta sur le fauteuil le plus proche et se rassit, les bras croisés sur sa poitrine. Le chandail à col roulé faisait ressortir sa musculature et la blancheur du coton donnait à sa peau une couleur plus riche encore, d’un brun doré presque sombre.

« Oui, je sais, reprit-il, sa voix au charmant accent britannique s’écoulant tout naturellement. C’est vraiment un choc. J’ai connu la même expérience voilà quelques jours seulement à La Nouvelle-Orléans quand le seul ami que j’ai au monde est apparu devant moi dans ce corps-ci ! Je compatis pleinement. Et je comprends bien – inutile de me le redemander – que mon corps d’autrefois est sans doute en train de mourir. Seulement je ne sais pas ce que nous pouvons y faire, ni l’un ni l’autre.

— Oh ! nous ne pouvons pas en approcher, c’est certain ! Si vous vous avanciez à seulement quelques mètres, James pourrait sentir votre présence et se concentrer suffisamment pour sortir de cette enveloppe.

— Vous pensez que James est encore dans le corps ? » demanda-t-il, haussant les sourcils exactement comme le faisait toujours David quand il parlait, la tête légèrement penchée en avant et la bouche esquissant un sourire.

David derrière ce visage ! Le timbre de la voix était presque exactement le même.

« Ah… quoi donc… Ah ! oui, James. Oui, James est dans ce corps ! David, c’est un coup sur la tête que je lui ai donné ! Vous vous souvenez de notre discussion. Si je devais le tuer, ce devait être d’un coup sur la tête. Il balbutiait je ne sais quoi à propos de sa mère. Il la réclamait. Il répétait qu’on devait lui dire que Raglan avait besoin d’elle. Quand j’ai quitté la pièce, il était dans ce corps-là.

— Je vois. Cela veut dire que le cerveau fonctionne mais qu’il a subi de graves lésions.

— Exactement ! Vous ne comprenez donc pas ? Il croyait qu’il allait m’empêcher de lui faire du mal parce que c’était votre corps. C’est dans votre corps qu’il s’était réfugié ! Oh ! comme il a mal calculé ! Très mal ! Et essayer de m’amener à lui faire le Don ténébreux ! Quelle vanité ! Il aurait dû savoir à quoi s’en tenir. Il aurait dû avouer son petit subterfuge dès l’instant où il m’a vu. Le diable l’emporte. David, si je n’ai pas tué votre corps, je l’ai blessé irrémédiablement. »

Il était plongé dans ses pensées, exactement comme il le faisait toujours au milieu d’une conversation, les yeux grands ouverts et perdus dans le lointain, contemplant par les grandes baies vitrées les eaux sombres de la baie.

« Il faut que j’aille à l’hôpital, n’est-ce pas ? murmura-t-il.

— Au nom du ciel, surtout pas ! Vous avez envie de vous trouver plongé dans ce corps au moment où il meurt ? Vous ne parlez pas sérieusement. »

Il se mit debout d’un geste souple et gracieux et s’approcha des fenêtres. Il resta là à contempler la nuit et je retrouvai chez lui cette attitude caractéristique, je vis l’expression bien reconnaissable de David se refléter sur ce nouveau visage.

C’était magique de voir cette créature dont tout le calme et la sagesse rayonnaient depuis cette jeune enveloppe corporelle. De voir la douce intelligence derrière les jeunes yeux clairs tournés vers moi.

« Ma mort m’attend, n’est-ce pas ? murmura-t-il.

— Qu’elle attende ! C’était un accident, David. Ce n’est pas une mort inévitable. Bien sûr, il y a une alternative. Nous la connaissons tous deux.

— Quoi donc ? demanda-t-il.

— Nous allons là-bas ensemble. Nous trouvons un moyen d’entrer dans la chambre en ensorcelant quelque membre du personnel médical. Vous chassez de ce corps le misérable qui s’y est installé, vous y prenez place et ensuite je vous fais le Don du Sang. Je vous amène à moi. Il n’existe pas de blessure concevable qu’une transfusion complète de sang ne puisse guérir.

— Non, mon ami. Vous devriez savoir maintenant qu’il n’est pas question de me faire une pareille proposition. Je ne peux pas l’envisager.

— Je savais que vous diriez cela, répondis-je. Alors n’approchez pas de l’hôpital. Ne faites rien qui puisse le tirer de sa torpeur ! »

Là-dessus nous restâmes tous deux silencieux à nous regarder. Mon inquiétude se calmait rapidement. Je ne tremblais plus. Et je compris brusquement que lui n’avait jamais été inquiet.

Il ne l’était pas en ce moment. Il n’avait même pas l’air triste. Il me regardait, comme s’il me demandait silencieusement de comprendre. Ou peut-être ne pensait-il pas du tout à moi.

Il avait soixante-quatorze ans ! Et il était sorti d’un corps en proie à des maux et à des douleurs prévisibles, et dont la vue déclinait pour entrer dans cette robuste et belle enveloppe.

À dire vrai, je n’avais pas la moindre idée de ce qu’étaient vraiment ses sentiments ! J’avais échangé le corps d’un dieu pour ces membres-là ! Il avait échangé la carcasse d’un être vieillissant, avec la mort toujours présente derrière son dos, le corps d’un homme pour qui la jeunesse était une collection de souvenirs douloureux et torturants, si ébranlé par eux que sa paix d’esprit ne tarderait pas à s’écrouler totalement, menaçant de le laisser vivre dans l’amertume et le découragement les quelques années qui lui restaient.

Et voici qu’on lui avait rendu sa jeunesse ! Il avait peut-être encore tout une vie devant lui ! Et c’était un corps que lui-même avait trouvé attirant, beau, voire magnifique – un corps pour lequel il avait lui-même éprouvé un désir charnel.

Et moi, j’étais fou d’angoisse à l’idée de ce corps vieillissant, maltraité et dont la vie s’écoulait goutte après goutte, gisant en ce moment même sur un lit d’hôpital.

« Oui, fit-il, je dirais que c’est exactement la situation. Et je sais pourtant que je devrais retourner dans ce corps ! Je sais que c’est le domicile qui convient à cette âme-ci. Je sais qu’avec chaque moment que je laisse passer, je risque l’inimaginable – il va expirer et il me faudra rester dans ce corps-ci. Pourtant je vous ai amené ici. Et c’est ici que j’ai l’intention de rester. »

Je frémis de la tête aux pieds, le dévisageant, clignant des yeux comme pour m’éveiller d’un cauchemar, puis me remettant à frissonner. Je finis par éclater de rire, un rire ironique et dément. Et puis je dis :

« Asseyez-vous, versez-vous un peu de votre abominable whisky et racontez-moi comment cela s’est passé. »

Il n’avait pas envie de rire. Il semblait désorienté, ou alors extrêmement passif, et il me dévisageait, il considérait le problème et le monde tout entier de l’intérieur de cette merveilleuse enveloppe corporelle.

Il resta encore un moment près des fenêtres, son regard balayant les collines au loin, si blanches et si propres avec leurs centaines de petits balcons, puis descendant jusqu’à l’eau qui s’étendait vers l’horizon.

Il se dirigea ensuite vers le petit bar dans le coin de la pièce, sans la moindre maladresse dans ses gestes, il prit la bouteille de whisky avec un verre et apporta le tout sur la table. Il se versa une grande rasade de cette liqueur qui sentait si mauvais et il en but la moitié, en faisant avec la nouvelle peau bien tendue de son visage cette charmante petite grimace, tout comme jadis, puis il braqua sur moi son regard irrésistible.

« Eh bien, commença-t-il, il cherchait un refuge ! C’est exactement ce que vous aviez annoncé. J’aurais dû savoir qu’il le ferait ! Bon sang, l’idée ne m’en est jamais venue. Nous étions déjà assez occupés à effectuer l’échange. Et Dieu sait, je n’avais jamais pensé qu’il essaierait de vous amener à faire le Don ténébreux. Qu’est-ce qui lui à faire croire qu’il pourrait vous duper quand le sang aurait commencé à couler ? »

J’eus un petit geste désespéré.

« Racontez-moi ce qui s’est passé, dis-je. Il vous a chassé de votre corps !

— Absolument. Et pendant un moment, je n’arrivais pas à comprendre ce qui s’était passé ! Vous ne pouvez pas imaginer quel pouvoir il a ! Bien sûr, il était désespéré, comme nous l’étions tous ! Naturellement, j’ai tenté de reprendre aussitôt mon corps, mais il m’a repoussé et puis il s’est mis à tirer sur vous !

— Sur moi ? Mais, David, ce n’est pas avec cela qu’il aurait pu me blesser !

— Je n’en étais pas certain, Lestat. Imaginez qu’une de ses balles vous ait frappé à l’œil ! Je ne savais pas s’il ne parviendrait pas à vous ébranler d’une balle bien placée, ce qui lui permettrait de reprendre sa place à l’intérieur de son corps ! Et je ne peux pas prétendre avoir une grande expérience des voyages spirituels. Certainement pas autant que lui. J’étais pétrifié de crainte. Là-dessus, vous avez disparu, et moi, je n’arrivais toujours pas à reprendre possession de mon propre corps, et il braquait son arme sur l’autre, qui gisait sur le sol.

« Je ne savais même pas si je pouvais m’en emparer. Je n’ai jamais fait cela. Je n’essaierais pas même si vous m’invitiez à le faire. La possession d’un autre corps : pour moi, c’est aussi moralement méprisable que de prendre délibérément la vie humaine. Mais il s’apprêtait à faire sauter la tête de ce corps – enfin, s’il parvenait à bien maîtriser le revolver. Et où étais-je ? Et qu’allait-il advenir de moi ? Ce corps-là était ma seule chance de faire ma rentrée dans le monde physique.

« Je me lançai à l’intérieur exactement comme je vous avais conseillé d’entrer dans votre corps à vous. Aussitôt j’étais debout, le renversant en arrière et lui arrachant presque le revolver des mains. À ce moment-là, la coursive était envahie de passagers et de stewards affolés ! Il a tiré encore une balle, je me suis enfui sur la véranda et j’ai sauté sur le pont inférieur.

« Je ne crois pas qu’il ait compris ce qui s’était passé jusqu’au moment où j’ai heurté ces planches. Dans mon corps d’autrefois, la chute m’aurait brisé la cheville ! Sans doute même la jambe. Je m’apprêtais à ressentir cet inévitable et déchirante souffrance et tout d’un coup je m’aperçus que je n’étais pas le moins du monde blessé, que je m’étais remis debout presque sans effort, et je dévalai en courant toute la longueur du pont pour franchir la porte donnant sur le gril.

« Bien sûr, ce n’était pas la direction qu’il fallait prendre. Le personnel de sécurité traversait cette salle pour gagner l’escalier menant au pont supérieur. J’étais persuadé qu’ils allaient l’appréhender. Ce n’était pas possible autrement. Et il avait été si maladroit avec ce revolver, Lestat. C’était tout à fait comme vous l’aviez décrit. Il ne sait pas vraiment évoluer dans ces corps qu’il vole. Il reste beaucoup trop lui-même ! »

Il s’arrêta, but encore une gorgée de whisky, puis remplit le verre. J’étais fasciné de l’observer et de l’écouter : cette voix autoritaire et ce visage rayonnant d’innocence. À vrai dire, l’adolescence s’achevait à peine dans ce jeune corps masculin, même si je n’y avais pas pensé plus tôt. À tous égards, il était à peine achevé, comme une pièce qui vient d’être frappée et qui ne porte pas la moindre petite éraflure que lui inflige l’usage.

« Vous ne vous enivrez pas aussi facilement dans ce corps-ci, n’est-ce pas ? demandai-je.

— Non, fit-il. Pas du tout. En fait, rien n’est pareil. Absolument rien. Laissez-moi continuer. Je ne comptais pas vous abandonner sur le bateau. J’étais terriblement inquiet pour votre sécurité. Mais je devais le faire.

— Je vous avais dit de ne pas vous faire de souci pour moi, dis-je. Oh ! Seigneur Dieu, ce sont presque les mêmes mots que j’ai employés avec lui… quand je croyais que c’était vous. Mais continuez, je vous en prie. Que s’est-il passé alors ?

— Eh bien, j’ai reculé dans le couloir derrière le gril, d’où je pouvais encore voir l’intérieur de la salle par la petite vitre de la porte. Je me disais qu’ils seraient bien obligés de le faire passer par là. Je ne connaissais pas d’autre chemin. Et il fallait absolument que je sache s’il avait été arrêté. Comprenez-moi, je n’avais pris aucune décision sur ce que j’allais faire. En quelques secondes, tout un groupe d’officiers apparut, avec moi, David Talbot, au milieu d’eux, et ils l’ont poussé – mon ancien moi – vers le gril et vers l’avant du navire. Et quel choc de le voir se débattre pour conserver sa dignité, en leur parlant d’un ton rapide et presque joyeux, comme s’il était un gentleman influent et fortuné, pris dans quelque sordide et agaçante petite affaire.

— Je l’imagine très bien.

— Quel jeu joue-t-il ? Me dis-je. Je ne me rendais pas compte évidemment qu’il pensait à l’avenir, à la façon de se mettre à l’abri de vos recherches ultérieures. Tout ce que je pouvais penser, c’était : où veut-il en venir maintenant ? Puis l’idée me vint qu’il allait les envoyer à ma poursuite. C’était naturellement moi qu’il rendrait responsable de tout l’épisode.

« Je vérifiai aussitôt le contenu de mes poches. J’avais le passeport de Sheridan Blackwood, l’argent que vous aviez laissé pour l’aider à quitter le bateau et la clé de votre ancienne cabine. J’essayai de réfléchir à ce que je devais faire. Si je montais jusqu’à cette cabine, ils viendraient me chercher. Ils ne connaissaient pas le nom figurant sur le passeport. Bien entendu, les stewards de cabines feraient sans mal le rapprochement.

« J’étais encore profondément troublé quand j’entendis son nom lancé par les haut-parleurs. Une voix calme demandait à Mr. Raglan James de se présenter immédiatement à n’importe quel officier du bord. Il m’avait donc impliqué, persuadé que j’avais ce passeport qu’il vous avait donné. Et il ne faudrait pas longtemps avant que n’apparût le nom de Sheridan Blackwood. Sans doute était-il en train de leur donner maintenant mon signalement.

« Je n’osais pas descendre au pont cinq pour voir si vous aviez pu gagner sans encombre votre cachette. Je risquerais de les mener là-bas si j’essayais. Il n’y avait à mon avis qu’une chose à faire, c’était de me cacher quelque part jusqu’au moment où j’aurais la certitude qu’il avait débarqué.

« Il me semblait tout à fait logique de conclure qu’il allait être emprisonné à la Barbade à cause de l’arme à feu. Et puis sans doute ne savait-il pas quel nom figurait sur son passeport et les autorités du bord l’auraient examiné avant qu’il ait eu le temps de le regarder.

« Je descendis au pont du Lido, où la grande majorité des passagers prenaient leur petit déjeuner, je pris une tasse de café et je m’installai discrètement dans un coin mais, comme les minutes passaient, je savais que ça n’allait pas marcher. Deux officiers apparurent, qui de toute évidence cherchaient quelqu’un. Ils faillirent m’apercevoir. J’engageai la conversation avec deux braves femmes assises auprès de moi et je parvins à m’introduire plus ou moins dans leur petit groupe.

« Quelques secondes après le passage de ces officiers, une autre annonce fut faite dans les haut-parleurs. Cette fois ils avaient le bon nom. Mr. Sheridan Blackwood voudrait-il se présenter d’urgence à un officier du navire ? Et une autre horrible possibilité me vint ! J’étais dans le corps de ce garagiste londonien qui avait massacré toute sa famille et qui s’était échappé d’une maison de fous. Les empreintes de ce corps-ci figuraient sans doute dans un dossier. James était tout à fait homme à révéler cela aux autorités. Et dire que nous allions aborder à la Barbade, colonie britannique ! Même le Talamasca ne parviendrait pas à faire sortir ce corps de prison si j’étais arrêté. Malgré toutes les craintes que j’éprouvais à vous abandonner, il me fallait tenter de quitter le navire.

— Vous auriez dû savoir que je n’aurais aucun problème. Pourquoi ne vous a-t-on pas arrêté sur la passerelle de débarquement ?

— Oh ! ils ont bien failli, mais il régnait la plus totale confusion. Le port de Bridgetown est très grand et nous étions à quai. Pas besoin d’utiliser le petit canot. Et les fonctionnaires des douanes avaient mis si longtemps à terminer les formalités de débarquement qu’il y avait des centaines de passagers attendant dans les coursives du pont inférieur pour descendre à terre.

« Les officiers contrôlaient les cartes d’embarquement du mieux qu’ils pouvaient, mais je réussis une fois encore à me glisser avec un petit groupe de dames anglaises et je me mis à leur parler d’une voix forte de tout ce qu’il y avait à voir à la Barbade, du temps merveilleux qu’il y faisait toujours et je parvins à passer.

« Je descendis jusqu’au quai et me dirigeai vers le bâtiment des douanes. Je craignis alors qu’on ne contrôlât mon passeport dans ces bureaux-là avant qu’on m’autorise à débarquer.

« Et puis, bien sûr, n’oubliez pas que cela faisait moins d’une heure que j’étais dans ce corps ! Chaque pas me faisait un effet tout à fait bizarre. Je baissais sans arrêt les yeux, j’apercevais ces mains et alors c’était le choc : qui suis-je ? Je dévisageais les gens, comme si je regardais par deux trous dans un mur aveugle. Je n’arrivais pas à imaginer ce qu’ils voyaient !

— Je connais, croyez-moi.

— Oh ! mais il y a la force aussi, Lestat. Cela, vous ne pouvez pas le connaître. On aurait dit que j’avais bu quelque extraordinaire stimulant qui avait saturé chaque fibre de mon corps ! Et ces jeunes yeux ! ah, comme ils peuvent voir loin et clair. »

J’acquiesçai.

« Pour être tout à fait franc, continua-t-il, c’est à peine si je raisonnais. Les bureaux des douanes étaient très encombrés. À vrai dire, il y avait plusieurs bateaux de croisière au port. Le Wind Song était là, et aussi le Rotterdam. Et je crois que le Royal Viking Sun était à quai lui aussi, juste en face du Queen Elizabeth II. L’endroit grouillait de touristes et je compris rapidement qu’on ne contrôlait les passeports que pour ceux qui regagnaient leur navire.

« J’entrai dans une des boutiques – vous savez, ces magasins pleins de ces choses horribles – j’achetai une grande paire de lunettes de soleil dont les verres faisaient miroir, un peu comme celle que vous portiez quand votre peau était si pâle, et je fis l’emplette aussi d’une chemise hideuse avec un perroquet peint dessus.

« Ensuite, ôtant ma veste et mon chandail à col roulé, je passai cette abominable chemise, je chaussai les lunettes et je m’installai à un endroit d’où, par la porte ouverte, j’apercevais toute la longueur du quai. Je ne savais pas quoi faire d’autre. J’étais terrifié à l’idée qu’ils allaient se mettre à fouiller les cabines ! Que feraient-ils quand ils ne parviendraient pas à ouvrir cette petite porte du pont cinq, ou s’ils finissaient par découvrir votre corps dans cette malle ? D’un autre côté, comment pourraient-ils procéder à une telle fouille ? Et qu’est-ce qui les y pousserait ? Ils tenaient l’homme au revolver. »

Il marqua de nouveau un temps pour boire une gorgée de whisky. Il avait un air si parfaitement innocent dans son désarroi quand il décrivait tout cela, une innocence qu’il n’aurait jamais pu avoir dans son enveloppe charnelle d’autrefois.

« J’étais fou, absolument fou. Je tentai d’utiliser mes vieux pouvoirs télépathiques, et il me fallut quelque temps pour les retrouver, et puis le corps y jouait un plus grand rôle que je n’aurais cru.

— Cela ne m’étonne pas, dis-je.

— Alors tout ce que je pouvais capter, c’étaient des pensées et des images provenant des passagers les plus proches de moi. Cela ne m’avançait à rien. Heureusement, mon supplice arriva brusquement à son terme.

« On amena James à terre. Il était escorté du même énorme contingent d’officiers. On avait dû le prendre pour le plus dangereux criminel de l’hémisphère occidental. Il avait mes bagages avec lui. Et il était de nouveau l’image même du Britannique digne et convenable, pérorant avec un charmant sourire, même si les officiers, de toute évidence, se montraient extrêmement méfiants et semblaient particulièrement mal à l’aise en l’amenant aux gens des douanes et en leur remettant son passeport.

« Je compris qu’on l’obligeait à quitter définitivement le paquebot. On fouilla même ses bagages avant de laisser passer le petit groupe.

« Pendant tout ce temps, j’étais collé au mur du bâtiment, comme un jeune vagabond, si vous voulez, avec mon chandail sur mon bras, tandis qu’à l’abri de ces épouvantables lunettes je dévisageais mon ancien moi si digne. Quel jeu joue-t-il ? me demandais-je. Pourquoi veut-il ce corps ! Comme je vous l’ai dit, l’idée ne m’est jamais venue que c’était une démarche fort habile.

« Je suivis la petite troupe dehors, où attendait une voiture de police, dans laquelle on chargea son bagage tandis qu’il était à discuter et à serrer la main des officiers qui devaient rester là.

« J’approchai suffisamment pour l’entendre prodiguer ses remerciements et ses excuses, déverser un flot d’euphémismes et de formules creuses, déclarer avec enthousiasme combien il avait été ravi de sa brève croisière. Il avait vraiment l’air d’apprécier cette mascarade.

— Oui, dis-je, avec consternation. Cela lui ressemble bien.

— Là-dessus vint le moment le plus étrange. Il interrompit son bavardage tandis qu’on lui ouvrait la portière de sa voiture et il se retourna. Il me regarda droit dans les yeux comme s’il avait toujours su que j’étais dans les parages. Seulement il déguisa fort adroitement ce geste, laissant son regard balayer la foule qui allait et venait, puis me lança de nouveau un bref coup d’œil, et il sourit.

« Ce fut seulement quand la voiture eut démarré, que je compris ce qui s’était passé. Il était délibérément parti dans mon ancien corps, me laissant avec cette carcasse de vingt-six ans. »

Il leva de nouveau son verre, but une gorgée et me regarda.

« L’échange dans un moment pareil aurait sans doute été impossible. Je ne sais pas vraiment. Le fait est là pourtant, il voulait ce corps. Et je restai là, devant l’immeuble des douanes, et j’étais… j’étais redevenu un jeune homme ! »

Il regarda fixement son verre, manifestement sans le voir, et puis ses yeux se vrillèrent sur les miens.

« C’était Faust, Lestat. J’avais acheté la jeunesse. Ce qu’il y avait de bizarre, c’était… c’était que je n’avais pas vendu mon âme ! »

J’attendis et il restait assis là dans un silence confondu, il secoua un peu la tête et parut sur le point de recommencer. Puis il finit par dire :

« Pouvez-vous me pardonner d’être parti à ce moment-là ? Je n’avais aucun moyen de regagner le navire. Et, bien sûr, James était en route pour la prison, du moins était-ce ce que je croyais.

— Bien sûr que je vous pardonne. David, nous savions que cela pourrait arriver. Nous avions envisagé la possibilité que vous soyez arrêté comme cela a été le cas pour lui ! C’est absolument sans importance. Qu’avez-vous donc fait ? Où êtes-vous allé ?

— Je suis allé à Bridgetown. Ce n’était même pas à proprement parler une décision. Un très jeune et charmant chauffeur de taxi noir m’a abordé, pensant que j’étais un passager en croisière, ce qui naturellement était le cas. Il m’a proposé de me faire le tour de la ville pour un bon prix. Il avait vécu des années en Angleterre. Il avait une voix agréable. Je ne crois même pas lui avoir répondu. J’ai simplement hoché la tête et je me suis installé sur la banquette arrière de la petite voiture. Des heures durant, il m’a promené dans l’île. Il a dû penser que j’étais un très bizarre personnage.

« Je me souviens, nous avons traversé des champs de canne à sucre absolument magnifiques. Il m’expliqua que la petite route avait été construite pour les voitures à chevaux. Et je songeai que ces champs ressemblaient probablement à ce qu’ils étaient deux cents ans plus tôt. Lestat pourrait me le dire. Lestat saurait. Et puis de nouveau je regardais mes mains. Je bougeais mon pied ou je tendais mes bras, je faisais n’importe quel geste ; et je sentais la force et la vigueur de ce corps ! Et je retombais dans mon émerveillement, totalement indifférent à la voix du pauvre homme comme aux paysages que nous traversions.

« Nous arrivâmes enfin à un jardin botanique. Mon chauffeur noir aux allures de gentleman gara sa petite voiture et me proposa d’entrer. Que m’importait ? J’achetai un ticket avec de l’argent que vous aviez si obligeamment laissé dans vos poches pour le Voleur de Corps, puis je me suis promené dans le jardin et je me suis bientôt trouvé dans un des plus beaux endroits que j’avais jamais vus au monde.

« Lestat, tout cela était comme un rêve d’une force extraordinaire !

« Il faudra que je vous emmène à cet endroit, il faut que vous le voyiez – vous qui aimez tant les îles. D’ailleurs, là-bas je ne pensais… je ne pensais qu’à vous !

« Il faut que je vous explique une chose. Jamais depuis le temps où vous êtes venu me trouver pour la première fois, jamais je n’ai regardé dans vos yeux ni entendu votre voix, ni même pensé à vous, sans éprouver de la douleur. C’est la douleur liée à la condition de mortel : quand on se rend compte de son âge et de ses limites et de ce qu’on n’aura plus jamais. Vous voyez ce que je veux dire ?

— Oui. Et en vous promenant dans le jardin botanique, vous pensiez à moi. Et vous n’éprouviez pas cette douleur.

— Non, murmura-t-il. Je ne l’éprouvais pas. »

Il attendit. Il était assis sans rien dire ; il but une grande gorgée de whisky, puis il repoussa le verre. Le grand corps musclé était parfaitement maîtrisé par son esprit élégant qui le faisait évoluer avec ses gestes raffinés, et une fois de plus j’entendis les accents calmes et mesurés de sa voix.

« Il faudra aller là-bas, dit-il. Il faudra que nous allions sur cette colline qui domine la mer. Vous vous rappelez le bruit des palmes des cocotiers à Grenade, ce petit claquement quand elles étaient agitées par le vent ? Vous n’avez jamais entendu une musique comme celle que vous entendrez dans jardin de la Barbade et, oh ! ces fleurs, ces folles fleurs sauvages ! C’est votre Jardin Sauvage, et pourtant il est si domestiqué, si calme, on s’y sent à ce point en sécurité ! J’ai vu le palmier géant du voyageur avec ses branches qui semblaient tressées en sortant du tronc ! Et la pince de homard, une plante monstrueuse ; et les gingembres géants, oh ! vous devez les voir ! Même à la lumière de la lune, tout cela doit être beau, beau à vos yeux.

« Je crois que je serais resté là des heures. C’est l’arrivée d’un car de touristes qui m’a tiré de ma rêverie. Figurez-vous qu’ils venaient de notre bateau ! C’étaient les voyageurs du Queen Elizabeth II. » Il eut un rire joyeux et son visage devint trop exquis pour le décrire. Tout son corps puissant était secoué d’un petit rire. « Oh ! je vous assure que je ne me suis pas attardé.

« Je suis ressorti. J’ai trouvé mon chauffeur et je me suis fait conduire sur la côte ouest de l’île, du côté des grands hôtels. Il y a des Anglais qui passent leurs vacances là. C’est le luxe, la solitude – et les terrains de golf. Et puis, j’ai vu cet endroit – une station juste au bord de l’eau qui était tout ce dont je rêve quand j’ai envie de quitter Londres pour aller à l’autre bout du monde dans un endroit chaud et ravissant.

« J’ai dit à mon chauffeur de prendre l’allée pour que je puisse jeter un coup d’œil. C’était une énorme bâtisse en stuc rose, avec une charmante salle à manger sous un toit de palmes donnant sur la plage de sable blanc. J’ai réfléchi tout en visitant les lieux, ou plutôt j’ai essayé, et j’ai décidé que, pour l’instant, j’allais rester dans cet hôtel.

« J’ai payé le chauffeur et j’ai pris une belle petite chambre avec vue sur la plage. On m’a fait traverser les jardins pour m’y rendre, puis on m’a fait entrer dans un petit bâtiment et je me suis trouvé dans une construction dont les portes ouvraient sur une petite véranda d’où un sentier descendait droit jusqu’au sable. Il n’y avait rien entre moi et le bleu des Caraïbes que les cocotiers et quelques grands buissons d’hibiscus, couverts de fleurs d’un rouge incroyable.

« Lestat, j’ai commencé à me demander si je n’étais pas mort et si tout cela n’était pas le mirage avant que le rideau ne retombe enfin ! »

Je hochai la tête en signe d’acquiescement.

« Je m’effondrai sur le lit, et vous savez ce qui m’est arrivé ? Je me suis endormi. J’étais allongé là dans ce corps-ci et je me suis endormi.

— Ce n’est pas étonnant, dis-je avec un petit sourire.

— Eh bien, c’est étonnant pour moi ! Vraiment. Comme vous adoreriez cette petite chambre ! On aurait dit une coquille silencieuse tournée vers les alizés. Quand je me suis éveillé au milieu de l’après-midi, la première chose que j’ai vue, c’est l’eau.

« Puis vint le choc de constater que j’étais toujours dans ce corps ! Je me rendis compte que j’avais toujours craint que James ne me retrouve pour m’en chasser et que je passerais mon temps à errer, invisible et incapable de trouver un abri physique. J’étais certain qu’il allait m’arriver quelque chose comme ça. L’idée m’est même venue que j’allais tout simplement dériver sans but et sans fin.

« Mais j’étais bien là, et il était trois heures à cette horrible montre que vous portiez. J’ai aussitôt appelé Londres. Naturellement, ils avaient cru que James était David Talbot quand il avait appelé auparavant, et ce fut seulement en écoutant avec patience que j’ai pu reconstituer ce qui s’était passé : que nos avocats s’étaient rendus aussitôt aux bureaux de la Cunard, qu’ils avaient tout arrangé pour lui et qu’il était en fait en route pour les États-Unis. À vrai dire la maison-mère croyait que j’appelais du Park Central Hôtel de Miami Beach, pour annoncer que j’étais arrivé sans encombre et que j’avais reçu leur virement télégraphique.

— Nous aurions dû nous douter qu’il penserait à cela.

— Oh ! oui, et quelle somme ! Ils l’ont envoyée aussitôt, parce que David Talbot est toujours le Supérieur Général. Bref, j’ai écouté tout cela, patiemment, comme je vous le disais, puis j’ai demandé à parler à mon fidèle assistant et je lui ai expliqué plus ou moins la situation. Un homme qui me ressemblait trait pour trait et capable d’imiter ma voix avec beaucoup de talent se faisait passer pour moi. Raglan James était le nom de ce monstre mais, s’il rappelait, il ne fallait pas le laisser se rendre compte qu’il était démasqué, mais faire semblant plutôt d’accéder à ses demandes.

« Je n’imagine pas qu’il existe une autre organisation au monde où on accepterait comme un fait réel une histoire pareille, même venant du Supérieur Général. J’ai d’ailleurs dû faire quelques efforts pour me convaincre moi-même. Au fond c’était beaucoup plus simple qu’on ne l’imaginerait. Il y avait tant de petits détails connus de moi seul et de mon assistant. L’identification ne posait pas de vrai problème. Et puis, bien sûr, je ne lui révélai pas que j’étais solidement installé dans le corps d’un homme de vingt-six ans.

« Je lui expliquai qu’il me fallait obtenir sans délai un nouveau passeport. Je n’avais pas l’intention d’essayer de quitter la Barbade avec le nom de Sheridan Blackwood accolé à ma photo. Mon assistant reçut pour instruction d’appeler ce bon vieux Jake à Mexico, où celui-ci me fournirait le nom de quelqu’un à Bridgetown qui pourrait faire le nécessaire l’après-midi même. Et puis j’avais moi-même besoin d’un peu d’argent.

« J’allais raccrocher quand mon assistant me dit que l’imposteur avait laissé un message pour Lestat de Lioncourt : celui-ci devait le retrouver dès que possible au Park Central de Miami. L’imposteur avait dit que Lestat de Lioncourt appellerait certainement et qu’il faudrait surtout bien lui transmettre le message. »

Il s’interrompit encore, et cette fois avec un soupir.

« Je sais que j’aurais dû aller à Miami. J’aurais dû vous prévenir que le Voleur de Corps était là-bas. Mais une idée m’est venue en apprenant cette nouvelle. Je savais que je pouvais atteindre le Park Central Hotel et confronter le Voleur de Corps, sans doute avant que vous n’en ayez la possibilité, à condition d’y aller tout de suite.

— Et vous n’avez pas voulu le faire.

— En effet.

— David, c’est bien compréhensible.

— Vous trouvez ? fit-il en me regardant.

— C’est à un petit démon comme moi que vous posez la question ? »

Il eut un pâle sourire. Puis il secoua de nouveau la tête avant de poursuivre :

« J’ai passé la nuit à la Barbade et la moitié de la journée. Le passeport était prêt hier bien à temps pour que je puisse prendre le premier vol à destination de Miami. Cependant je ne suis pas parti. Je suis resté dans ce magnifique hôtel de bord de mer. J’ai dîné là, je me suis promené dans la petite ville de Bridgetown. Je n’en suis parti qu’à midi aujourd’hui.

— Je vous l’ai dit, je comprends.

— C’est vrai ? Et si le misérable s’était de nouveau attaqué à vous ?

— Impossible ! Nous le savons tous les deux. S’il avait pu réussir par la force, il l’aurait fait la première fois. Cessez de vous tourmenter, David. Je ne suis pas venu non plus hier soir, et pourtant je pensais que vous pouviez avoir besoin de moi. J’étais avec Gretchen. » J’eus un triste petit haussement d’épaules. « Cessez de vous inquiéter pour ce qui n’a pas d’importance. Vous savez ce qui compte. C’est ce qui est en train d’arriver en ce moment même à votre ancien corps. Vous ne vous en êtes pas encore rendu compte, mon ami. J’ai assené à ce corps un coup mortel ! Non, je vois bien que vous n’avez pas assimilé cette idée. Vous croyez avoir compris, mais vous êtes encore dans le brouillard. »

Ces mots avaient dû le frapper durement.

Cela me brisait le cœur de voir la douleur dans ses yeux, de les voir s’embuer et de découvrir des plis soucieux sur cette peau neuve et lisse. Mais une fois de plus, le mélange d’une âme ancienne et d’une enveloppe juvénile était si merveilleux et si séduisant que je ne pouvais que le dévisager, en me rappelant vaguement la façon dont il m’examinait à La Nouvelle-Orléans et à quel point il m’avait rendu impatient.

« Il faut que j’aille là-bas, Lestat. À cet hôpital. Il faut que je voie ce qui s’est passé.

— C’est moi qui vais y aller. Vous pouvez venir avec moi. Mais j’entrerai seul dans la chambre d’hôpital. Voyons, où est le téléphone ? Il faut que j’appelle le Park Central pour savoir où on a transporté Mr. Talbot ! Et je pense aussi qu’ils me recherchent ; cela ne fait aucun doute : l’incident s’est passé dans ma chambre. Peut-être devrais-je simplement appeler l’hôpital.

— Non ! fit-il en tendant le bras pour me toucher la main. Ne faites pas cela ! Nous devrions y aller. Nous devrions… voir… par nous-mêmes. Il faut que je voie moi-même. J’ai… j’ai un pressentiment.

— Moi aussi », dis-je. Mais c’était plus que cela. Après tout, j’avais vu ce vieil homme aux cheveux grisonnants secoué de convulsions silencieuses sur ce lit taché de sang.

Le Voleur de Corps
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